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Voilà qui n’est pas si commun en Bretagne. Les Plougastélois, de toute évidence, connaissent le prix du temps et diraient volontiers qu’une bonne route c’est de l’argent. Croyez, d’ailleurs, que, s’ils avaient trouvé quelque avantage à l’établissement d’un railway, ils n’eussent point attendu jusqu’à ce jour pour en demander l’exécution. Mais la mer leur suffit. Elle est la grande voie naturelle de cette région péninsulaire qu’elle étreint et qu’elle sculpte amoureusement. Son flot y pousse des pointes profondes et pénètre, par les quatre anses du Caro, de Penavern, de l’Auberlac’h et du Teven, jusqu’au cœur du pays. Brisé à son entrée dans la rade de Brest par la formidable barricade granitique de Roscanvel, il n’a plus ici aucune âpreté ; il s’est fait souple et insinuant. Pourquoi la terre résisterait-elle à ce séducteur ? Même en hiver, il ne lui apporte que des caresses, de molles écharpes de vapeurs irisées et la tiédeur de ses courants ; aux syzygies, il chasse vers elle les dépôts de fucus et de sable coquillier dont elle amende son sol siliceux ; en mai et en juin, il s’attelle aux steamboats rebondis, où elle entasse les prémices de ses fraisières et qui laissent derrière eux, à travers la Manche, un sillage parfumé.

On peut avancer sans témérité que la péninsule plougastéloise est l’œuvre de la mer. C’est comme une seconde Floride que ses effluves ont créée à l’autre extrémité du Gulf-Stream, une Floride bretonne, presque aussi lumineuse et aussi luxuriante que la Floride américaine. Mais, cette Floride, il faut la découvrir. Elle ne se livre pas du premier coup d’œil à l’observateur superficiel, et les touristes qui abordent Plougastel par le bac de Kerhuon sont loin de la soupçonner. Vu de la rive droite de l’Elorn, le pay-