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besoin d’absolu ! Il y a mieux pourtant que Combourg et La Chesnaye et, dans cette Haute-Bretagne encore, il y a Paimpont ou, comme on l’appelait autrefois, Brocéliande, la forêt bretonne par excellence, sanctuaire des traditions de la race celtique et laboratoire de sa poésie. Merveilleuses fictions du Val-Sans-Retour et de la Quête du Graal, prodige de la fontaine de Baranton, dont quelques gouttes, jetées sur la margelle, opéraient un brusque changement atmosphérique, ombre adorable de Viviane rôdant sous le couvert, fantôme de Merlin prisonnier, sous un buisson d’aubépine, du sortilège dont il a lui-même fourni la formule, telle est la fidélité de cette terre, sa puissance de conservation, que leur prestige n’a pas faibli. Après avoir ravi tout l’Occident, modifié la conception de l’amour profane, instauré le dogme de la fatalité de la passion, les vieilles traditions de la forêt enchantée continuent à vivre d’une sorte de vie souterraine dans les âmes des riverains. La fontaine de Baranton elle-même n’a pas perdu, si l’on en croit Paul de Courcy, toutes ses propriétés : quand on l’entend mugir, c’est signe d’orage ; dans les temps de sécheresse, le clergé s’y rend processionnellement, trempe la croix paroissiale dans le bassin, la secoue sur le perron et l’antique miracle se renouvelle… Pour des « sots Bretons », comme les Bretons bretonnants appellent quelquefois leurs compatriotes des hautes terres, concédez que les Bretons de la Bretagne rennaise n’ont pas mal servi la gloire de leur vieille province !…

Paimpont est comme le cœur du pays celte. Nous sommes avec cette forêt enchantée sur la limite des trois Bretagnes : au Sud, par Redon, les marécages de la Grande-Brière, les salins du Bourg-de-Batz, le