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giciennes ; elles prolongent, dans les profondeurs, une existence clandestine ; il arrive même qu’elles remontent à la surface. C’est le cas, paraît-il, de la cloche du Murain qui, toutes les fois qu’un grand événement s’apprête pour la Bretagne, reprend sa place au clocher de l’église métropolitaine et mêle son timbre rouillé au concert des autres cloches…

Sonna-t-elle pour la naissance de René ? On veut l’espérer et que, dans l’enfant obscur pareil à tous les enfants, la cloche-fée pressentit l’écrivain de génie qui, suivant le mot de Brunetière, devait « rétablir parmi les hommes le sens presque éteint de l’Au-Delà, c’est-à-dire, et du même coup celui de la religion et de la poésie » : Chateaubriand est né à Saint-Malo, si c’est à Combourg qu’il s’est connu. Mais Combourg aussi est en Haute-Bretagne ; ses vieilles tours féodales sont toujours debout ; elles se mirent dans les mêmes eaux mortes ; elles oppressent de leur stature le même horizon mélancolique. Certes il suffirait à la gloire de la Haute-Bretagne que, sur une de ses bruyères, René adolescent se soit éveillé au sentiment de l’infini. Et, pour que cette terre affirmât plus hautement encore combien elle était bretonne jusque dans ses contradictions, c’est à quelques lieues de ce même Combourg, dans la solitude sylvestre de la Chesnaye, où il a reconstitué les premières communautés celtiques, que l’âpre génie d’un Lamennais conçoit son Essai sur l’Indifférence, sommet vertigineux qui, de chute, en chute, doit le jeter aux abîmes de l’incroyance universelle.

Chateaubriand et Lamennais, les deux plus grands noms littéraires de la Haute-Bretagne et dans lesquels on peut croire qu’elle se résume avec tous ses contrastes et ses heurts, mais toujours son même