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amoureusement dessinés, une plus fraîche et plus suave figure de Bretonne que cette Marie-Rose qui est la figure centrale du drame. Mais, autour de Marie-Rose, il y a les messieurs de Trohanet, François et Hubert, Etéocle et Polynice d’une Thébaïde sans Antigone, et cette rivalité tragique des deux frères, cette haine sourde de la douairière de Trohanet pour son fils disgracié, je serais tenté de dire que c’est de l’Eschyle ou du Sophocle transporté sous les brumes armoricaines, si ce sombre conflit de famille n’était assez dans la ligne des vieux romans de la Table Ronde où les passions atteignaient un paroxysme qui n’a point été dépassé. On s’aimait, on se jalousait et on s’entretuait aussi frénétiquement à la cour du roi Marc’h.

Et, précisément, nous sommes ici au pays de ce barbon et de sa volage moitié, Yseult aux blonds cheveux : quelque chose du Tristan légendaire, à qui son chagrin avait tourné l’esprit et qui répondait au roi Marc’h qu’il s’appelait Tantris et qu’il était le fils d’une baleine, s’est transmis peut-être à l’Affligé d’Auguste Dupouy.

Et le fait est tout au moins que, comme nous ne pouvons nous empêcher, malgré ses erreurs, de compatir à la souffrance amoureuse de Tristan, notre sympathie, malgré son fratricide final, ne peut s’empêcher d’aller à ce François de Trohanet, victime encore plus lamentable du double complot que trament contre lui-même son cœur ombrageux et la malice d’une mère sans entrailles.

C’est lui, ou plutôt son sobriquet mélancolique, qui a fourni le titre du livre. Et ce sobriquet pourrait servir à toute sa race. « Les Bretons n’ont jamais eu de bonheur », aimait à dire Féval qui ne faisait exception que pour les Nantais, gens circons-