passé ne soit pas semblable aux races du reste de la France, qu’il y ait, en elle, quelque chose d’autre et comme un ressouvenir confus de la préhistoire, qui pourrait s’en étonner ? Le fait est que l’œuvre de Géniaux, bien que se passant de nos jours et mettant en scène des êtres directement pris sur le vif, comme ce magnifique Fanch Trémeur, dont on retrouverait le prototype dans le sauveteur Auffret, a des allures, un accent, presque un bâti d’épopée primitive ; avec leurs titres abstraits : la Tempête, la Coupe du Goémon, le Sauvetage, etc…, les chapitres en ressemblent à des chants.
Entendons-nous. Cela n’a rien d’homérique. Il y manque la lumière hellène et cette vénusté qui adoucissait déjà les contours de l’Olympe naissant. Tous ces êtres-ci sont taillés dans le granit de leurs rivages ; ils en ont la rudesse, la lourdeur et la puissance. S’ils s’apparentent à des héros de légende, c’est à ceux des Niebelungen ou de la Chanson de Roland, ou même aux Troglodytes de Rosny. Aussi bien, l’art de Charles Géniaux est-il plus plastique qu’introspectif. Il y aurait une étude bien intéressante à tenter sur la manière de ce romancier, qui ne s’est jamais mieux réalisé que dans le présent livre, admirable restitution de la vie des sauveteurs bretons, et dans l’extraordinaire gargouille symbolique appelée l’Homme de peine. Consciemment ou non, Géniaux applique à la littérature les procédés et le « faire » des anciens imagiers ; si on voulait lui chercher des ancêtres directs, c’est peut-être aux tailleurs de calvaires qu’il faudrait les demander, à ces artisans anonymes dont le ciseau, à la fois réaliste et mystique, campa, sur les places de nos bourgs, le peuple grouillant des crucifixions…
Ou plutôt c’est à l’Océan lui-même qu’on s’adres-