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l’âge quaternaire, des milliers et des milliers de lieues de steppes, de forêts, de marécages, de landes, de monts, de plaines, de vallées et, devant eux, la mer, toute la mer, l’immense virginité des eaux. Partout où ils se portaient, ils se heurtaient à elle ; ils la retrouvaient jusque dans les terres, où elle dardait, comme de grands tentacules d’argent, ses estuaires et ses fiords, où elle se creusait de grands lits de repos, qui furent, plus tard, la rade de Brest, le golfe du Morbihan, la baie de Douarnenez. C’était comme une obsession, une hantise. Et ils finirent par comprendre qu’ils étaient sur une terre réservée, une terre sur laquelle la mer avait mis son sceau, qui était comme une annexe continentale de son grand domaine maritime, en un mot, une colonie, un pays de la mer : Armor

Les géologues leur ont donné raison : la science a confirmé les intuitions de la barbarie primitive. Nous savons aujourd’hui que la Bretagne émergea la première de l’abîme, aux âges siluriens. C’est la plus vieille terre du monde, et il lui en est resté quelque chose. Elle avait primitivement la forme d’une île ; merveilleuse opale du couchant, pour reprendre notre comparaison de naguère, les eaux la sertissaient de toutes parts. Puis, d’autres terres, à l’Est, sortirent de l’abîme, se rapprochèrent, se soudèrent à elle. D’île, elle devint une péninsule ; mais on dirait qu’elle a gardé la nostalgie de son premier état ; il semble qu’on la voie, le dos tourné au monde, perdue dans la contemplation de cet infini marin qui l’épousait jadis de toutes parts et qui pénètre encore jusqu’à son cœur par le double mouvement quotidien de ses marées.

Que la race qui habite une terre chargée d’un tel