souvenir pour une patrie plus lointaine dans le temps, sinon dans l’espace, à qui, comme Leconte de Lisle, il est pour le moins aussi redevable qu’à la « perle de l’Océan Indien » et qui s’appelle la Bretagne ?
J’ai d’autant plus le droit de m’en affliger que M. Bédier, le jour même de son élection, me fit le grand honneur de me venir voir et, ne m’ayant point trouvé, me laissa sa carte — une carte que je conserve précieusement et où étaient griffonnés quelques mots qu’il avait tenu à signer « pour la première fois », me disait-il, de son nom complet : « Joseph Bédier du Ménézouarn ».
Rien ne pouvait plus flatter mon amour-propre de Breton. Qui dit Ménézouarn (colline de fer), dit Breton jusqu’à la moelle, et je m’applaudissais déjà, pour ma petite patrie, du nouveau lustre que ce relèvement de titre allait faire rejaillir sur elle. Je savais vaguement jusque-là que M. Bédier appartenait à une vieille famille vannetaise, dont le chef, compromis dans la conspiration de Pontcallec, sous le Régent, avait cru prudent de passer aux îles pour déjouer les recherches de ce terrible colonel de Mianne que la Chambre royale de Nantes avait lancé aux trousses des conjurés. Néanmoins, le nom de Bédier ne figure pas dans les listes, d’ailleurs très incomplètes, qui furent remises au colonel ; mais il est probable qu’on l’eût trouvé au bas de l’acte d’association qui fut signé à Lanvaux entre les conjurés et qui comprenait 5 ou 600 noms de gentilshommes des quatre évêchés. Petits hobereaux pour la plupart. La grande noblesse, prudemment, les Rohan, les La Trémouille, etc., s’était tenue à l’écart du mouvement. Un collègue de M. Bédier au Collège de France, et le plus savant homme de Bretagne,