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pas « le plus vieux territoire celtique de la France », mais qui en est assurément l’un des plus vieux, et dont la « population », ajoute M. René Jacquet, « a été pénétrée de fortes infiltrations sarrazines[1] ». Et lui-même du coup s’éclaire et s’explique ce je ne sais quoi d’exotique, de dernier Abencérage, ces tons violents et sombres de telles de vos pages, ces arêtes brusques, ces fièvres, ces saccades, ce fatalisme, ces voluptés derrière la grille, ces airs détachés d’exécuteur maure essuyant son cimeterre au pan de son manteau, tout cet orientalisme qui reparaît de temps à autre dans votre œuvre et dont la dernière manifestation fut ce cantique du Jardin sur l’Oronte, exaltante musique sensuelle, duo d’amour éperdu d’un Aben-Hamet catholique et d’une dona Blanca musulmane. Vous êtes un composé, un carrefour de races, un confluent d’hérédités contradictoires comme tous les hommes de ce temps, Barrès. Tantôt l’une, tantôt l’autre, l’emporte chez vous. Mais la dominante, le courant de fond, M. Jacquet a raison, c’est le Celte.

Reste à savoir, refoulé comme il l’était au plus intime de votre être, noyé sous les afflux étrangers, si vous l’eussiez aperçu et ramené à la surface, sans l’avertissement breton ? Sincèrement je ne le crois pas. Je veux bien, en dernier ressort et pour ne point trop accorder à la Bretagne, qu’elle ne vous ait point engendré de toute pièce à la vie spirituelle : le Celte latent chez vous, mettons, si vous le voulez, qu’elle l’ait simplement aidé à se dégager des hérédités sarrazine et lorraine qui s’opposaient à sa libre expansion. Heureux mélange de sangs ennemis au demeurant et si l’on n’a égard qu’à l’émouvante beauté du débat qui s’est institué de bonne heure

  1. Notre maître Maurice Barrès, 1900.