inexplorés, quand, près de Chapleau (Ontario), un train, que sa contention d’esprit et peut-être une légère paresse d’oreille l’avaient empêché d’entendre venir, le prit en écharpe et l’envoya rouler à dix mètres de la voie. Ce stupide accident (qui, d’après sa sœur, aurait également coûté la vie à un jeune Australien, son compagnon de route) enlevait au Canada le premier grand écrivain qui l’eût compris, le seul interprète égal à sa stature que la destinée jalouse lui eût encore concédé et qu’elle lui retirait presque aussitôt.
Je reviendrai tout à l’heure, à l’aide des documents qu’a bien voulu me communiquer M. Damase Potvin, directeur du Terroir, de Québec, sur les circonstances, vraiment singulières et touchantes, où fut écrite Maria Chapdelaine. Il est temps de présenter au lecteur une analyse sommaire de ce beau livre, plus riche de substance spirituelle que d’événements et qui est donc de ceux qu’on ne peut résumer qu’assez mal.
Une famille de défricheurs canadiens, les Chapdelaine, vit dans la solitude, près des chutes de la Péribonka, à l’orée des grands bois qu’elle abat sans désemparer du printemps à l’automne pour « faire de la terre » — forte expression du pays qui exprime bien, dit l’auteur, « tout ce qui gît de travail terrible entre la pauvreté du bois sauvage et la fertilité finale des champs labourés et semés ». Cette famille se compose du père, Samuel Chapdelaine, de la mère, Laura, de leur fille aînée. Maria, l’héroïne du roman, de leur cadette, Alma-Rose, de leurs quatre fils, Esdras, Da’Bé, Tit’Bé, Télesphore, et d’un vieux valet de ferme, d’un « homme engagé », suivant l’expression locale, Edwige Légaré, dit Blasphème. Il y a encore le cheval, ce grand « malavenant » de