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qu’il en soit ainsi — il faudrait plaindre bien sincèrement le défunt, victime d’une réputation d’homme d’esprit universellement établie et qui comporte plus d’inconvénients que d’avantages. On ne prête qu’aux riches, dit le proverbe. Mais il est rare que ces prêts soient gratuits et qu’on n’en attende pas quelque profit inavoué.

Ce serait précisément le cas ici, d’après Mme d’Habloville, qui s’indigne contre la « campagne tantôt ouverte et sincère, tantôt perfide et venimeuse », qu’une « certaine » presse mena contre Mgr Duchesne au moment où il se présentait à l’Académie. « On lui fit un grief, dit-elle, de « mots » dits dans l’intimité et déformés pour les besoins de la cause ; on lui imputa comme crimes de vieilles plaisanteries de séminaire, rééditées et augmentées.[1] » Bref, peu s’en fallut que l’Académie ne lui claquât la porte au nez, avec un : « Serviteur, monsieur, vous avez trop d’esprit pour nous », qui eût été bien fâcheux pour la réputation de cette compagnie. Après sept tours de scrutin, durant lesquels les partis adverses restèrent sur leurs positions respectives, l’élection fut remise à un an. Il passe pas mal d’eau, en un an sous le pont… des Arts. Nos immortels eurent tout le temps de se faire une raison. Ce fut un peu dur, mais, enfin, l’heure de la seconde élection venue, ils ne se dérobèrent pas comme la première fois. Et,

  1. Mme d’Habloville n’est point la seule qui parle ainsi et c’est le même son de cloche que nous entendons dans les Débats chez M. Étienne Dupont, le micheletiste incomparable, l’érudit charmant qui fut souvent le compagnon de vacances et d’excursions de Mgr Duchesne et qui a entendu maintes fois le prélat s’indigner — « avec quel feu dans le regard, avec quelle tristesse sur son fin visage » — des « propos ineptes et inconvenants » que certains journalistes lui prêtaient à l’adresse de personnes augustes et vénérables.