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quand même, ou celles qui, pour ennoblir la vie, conseillent de donner à chaque acte sa signification mystique ? Nous n’osons pas le lui demander. Mais il en est d’autres, qu’elle se rappelle, et dont l’écho ne retentit pas moins profondément dans cette âme si tragiquement partagée entre sa piété filiale et sa tendresse maternelle. Car c’est la destinée étrange de cette demeure illustre que les mêmes murs devaient entendre tour à tour, et de bouches pareillement sincères, la voix captieuse du doute et l’accent souverain de l’affirmation chrétienne. La messe que Renan n’avait pas dite, l’aîné de ses petits-fils voulait la dire pour lui, et il l’annonça ici même à sa mère : une balle, avant qu’il eût mis son projet à exécution, le coucha sur sa pièce, à l’entrée du village belge qu’il défendait pour protéger la retraite de ses hommes.

Celle qui concilie peut-être en elle les deux thèses, mais qui garde son secret[1], nous dit sa tristesse de quitter une maison qui recélait de si chers fantômes.

— Il y a trente-cinq ans que nous étions ici. Nous avons tout fait pour y rester : n’y pensons plus ! Ma fille Euphrosine, qui est mariée au Dr Revault d’Allonnes et mère de quatre enfants, a fait l’acquisition d’une villa dans la vallée de Trestraou ; j’ai acquis

  1. Un peu de ce secret ne transparaît-il pas cependant dans ces confidences faites par Mme Noémi Renan à M. Fernand Hanser, la veille de la commémoration de la Sorbonne : « Michel était devenu très réactionnaire ; Ernest était retourné à la religion catholique : il y avait en lui une réminiscence étrange du mysticisme breton. Je les ai laissés évoluer selon leur nature. Je crois que leur grand-père aurait fait comme moi ». À remarquer encore que cette évolution, chez les petits-enfants du grand philosophe, ne s’est manifestée que chez les garçons, — de quoi ne s’étonneront pas trop ceux qui ont bien voulu adopter le point de vue développé par nous dans notre étude sur Henriette Renan (V. le t. I de l’Âme Bretonne).