Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/190

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sait-il, viennent en rêvant ». Et, pour avoir constamment leurs beaux feuillages sous les yeux, il voulut installer sa chambre, qui était aussi son cabinet de travail, dans une pièce de derrière qui donnait sur eux et où je vais vous conduire.

Je la connais bien, cette pièce : Renan m’y reçut autrefois et je pourrais la décrire les yeux fermés. Elle n’a pas changé : voici l’alcôve, avec sa portière de cretonne à fleurs ; la commode Louis-Philippe ; la table de travail, si simple, que le maître portait près de la fenêtre et devant laquelle je le trouvais assis, les mains croisées sur son ventre débonnaire, dans un vieux fauteuil Louis XIII en tapisserie reprisée. La même aquarelle de Scheffer — une cascade anonyme dans un paysage de fantaisie — se balance au-dessus de la cheminée ; le papier de la pièce, à fond vert jaune, est seulement un peu plus fané. Aucun luxe céans : à peine le nécessaire. Renan était bien de sa race, la plus indifférente qui soit à un certain ordre de contingences et, en vérité, il ne manque que lui ici — et Madame Cornélie Renan, à qui était réservé cet autre fauteuil en moleskine noire, rangé contre la cloison. Madame Renan dont la chambre, située sur le devant, communiquait avec celle de son mari.

L’émotion fait trembler légèrement la voix de notre hôtesse en nous montrant ce modeste intérieur si chargé pour elle de souvenirs.

— C’est ici, nous dit-elle, que mon père m’a dit ses plus belles paroles.



Quelles étaient ces paroles ? Celles qui avaient trait à la vérité, toujours triste, et qu’il faut chercher