Le succès inespéré de Primel et Nola, « vendu en sept mois à 1.100 exemplaires », lui allait être un nouveau sujet de réconfort.
C’est un succès que je ne croyais plus possible, surtout pour un livre qui le mérite, lui écrit d’Aurillac, le 7 septembre 1852, Victor de Laprade. On aime donc encore la vraie poésie ! Ce succès doit bien vous encourager et compenser bien des tristesses. Je m’y associe de tout mon cœur, et votre lettre m’a rendu gai et heureux tout un jour, malgré mes rhumatismes. Cette joie est tout entière à cause de vous ; car je suis très loin de tirer un augure favorable pour mes Poèmes évangéliques. D’abord je n’en suis pas satisfait, et je n’ai pas besoin de vous dire combien je mets cela au-dessous de votre fraîche et savoureuse poésie ; de plus, ce n’est guère dans les conditions du succès : le monde littéraire m’appellera jésuite, le monde religieux me croira hérétique. J’aurai pour moi quelques douzaines d’amis et six cents exemplaires mettront bien sept ans au lieu de sept mois pour s’écouler. Mais je voudrais n’avoir que ce sujet de tristesse. Le succès et le bonheur de ma publication sera par-dessus tout de porter moi-même mon livre dans votre chambre et dans celle de quelques autres amis et d’en deviser en mangeant des huîtres, un autre de mes bonheurs de provincial à Paris. Et, à propos d’huîtres, croyez que j’avais religieusement gardé la consigne du fromage du Mont-d’or (sic). J’emploierai mon père, qui est un dilettante, à la recherche de l’idéal du genre. Je bouillonne d’impatience d’arriver à Paris…
La lettre, dans son négligé, est charmante, presque enjouée, avec de savoureux détails sur les préférences gastronomiques des deux correspondants, dont l’un raffolait des huîtres et l’autre du mont-dore : elle marque le point d’épanouissement de cette amitié poétique qui allait décliner et se faner si rapidement.
Que s’était-il donc passé entre les deux poètes ? Simplement ceci : que Brizeux, qui souhaitait d’entrer à l’Académie, qui avait même commencé ses vi-