parole et qu’on en fasse, comme de l’Athènes d’Hypathie, « une ruine harmonieuse », — un musée des religions.
Il n’y a pas de page plus délibérément et, si l’on peut dire, plus tranquillement sacrilège dans toute l’œuvre de Barrès. Mais qui choquerait-elle alors ? C’est le ton général : de Leconte de Lisle à Zola, toute la littérature est athée, à deux ou trois exceptions près, Barbey, Villiers de l’Isle-Adam, dont personne ne prend au sérieux le catholicisme baudelairien, et un nouveau venu au masque inquiétant de rôdeur nocturne qui bat sa coulpe à l’écart et confesse naïvement la foi de son enfance, Paul Verlaine. Mais en celui-là non plus, Barrès, sans contester sa sincérité, ne veut voir davantage qu’un « bon fils de Baudelaire », un théoricien, à peine plus raffiné, de la « vraie débauche intellectuelle », ramassée dans les vers fameux :
Il faut n’être pas dupe en ce farceur de monde
Où le bonheur n’a rien d’exquis et d’alléchant.
S’il n’y frétille un peu de pervers et d’immonde
Et, pour n’être pas dupe, il faut être méchant.
Ses vrais dieux, au-dessous de Renan et avec Baudelaire, ce sont les analystes, Gœthe, Benjamin Constant, Sainte-Beuve (le Sainte-Beuve de Volupté), Stendahl, Taine, Amiel et, plus tard seulement, et sur des autels plus couverts, parce qu’ils sont de ces dieux brûlants — et indiscrets — qui laissent un reflet trop vif sur la face de leurs adorateurs, les grands lyriques de la prose, Michelet et ce Chateaubriand dont il avait pourtant dit déjà, dans un article de La Suisse romande du 15 mai 1885, que ses Mémoires d’Outre-Tombe sont « le chef d’œuvre de style devant lequel tout écrivain se doit agenouiller à ses heures