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le symbole d’une force extraordinaire, mais incomplète…

N’est-ce point là une personnification facilement reconnaissable de la race bretonne et, dans le mythe de Rannou, ce peuple n’a-t-il pas enfermé sa mélancolique histoire à lui-même, l’histoire de ses dons merveilleux, de ses ambitions démesurées et de leur lamentable avortement ? Il ne semble pas, sauf le détail du sifflet, qu’on trouve aucun trait analogue dans la composition du personnage de Marguerite Charlès, ni dans celle de sa fille — car les ballades font aussi mention d’une Marie Charlès qui lui succéda peut-être à la tête de la bande. M. Le Braz, qui l’a prise pour héroïne d’une de ses Vieilles histoires du pays breton, veut qu’elle ait été rousse, ce qui la rapprocherait donc de Marion, et belle fille comme cette dernière et pas plus bégueule qu’elle. Il est possible. Luzel se borne à dire que les victimes de Marguerite étaient enfouies dans le sable de la Lieue-de-Grève, sable mouvant où il n’était pas commode de les retrouver. Dans l’un des gwerziou qui lui sont consacrés, elle parle « d’un petit bois rempli de ronces » où il y avait « autant de cadavres qu’il y en a dans l’ossuaire de Morlaix ». Ce petit bois était vraisemblablement le bois de Coatandrézenn, en la commune de Tréduder, où la bande avait son « fort » : une troupe de soldats espagnols, en 1598, se chargea de le « sarcler ». Y réussit-elle ? La tradition veut que ce soit par surprise, chez le seigneur de Keranglaz, où elle