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(C’est celle-là, la Charlès,
Qui siffle à tue-tête ;
Et ce n’est pas un bon signe
Que d’entendre siffler la Charlès.)

Ce sifflet de la Charlès, « qui met cinq cents hommes en fuite », rappelle tout ensemble à M. Alfred Rambaud « les sifflements de Soloveï le brigand, qui suffisaient à terrasser les guerriers de Kief, et les sifflements des dragons vaincus par les héros des diverses épopées ». M. Rambaud en concluait que la Charlès avait dû prendre dans la poésie bretonne la place d’un personnage plus ancien, de caractère mythique, esprit du mal ou démon de la tempête. L’hypothèse n’a rien de choquant ; mais elle s’appliquerait encore mieux aux lieutenants de Marguerite, ces Rannou ou Rannoued, dont le nom, qui signifie séries, « est très ancien », dit Luzel, et dont le penn-baz s’apparente de surcroît à certaine massue fameuse. Il y eut vraisemblablement un premier Rannou, sorte d’Hercule ou de Samson breton, avec lequel ils se confondirent et dont la force était passée en proverbe. On disait et on dit encore aux environs de Plestin : « Fort comme Rannou » et l’on attribue cette vigueur surhumaine aux vertus d’un philtre que la mère du géant avait reçu d’une sirène, mais qu’elle n’osa faire prendre à l’enfant qu’après en avoir éprouvé l’effet sur son chat. Stupide défiance ! Il fallait à Rannou, dit la légende, la potion entière pour être un héros ; une caducité précoce brisa ses membres et il est resté comme