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ment modifiée et, si l’impôt sur le revenu « fonctionne » jamais en Bretagne, on verra ce qui subsiste de contribuables dans nos communes. M. Sée allègue en dernier ressort la fréquence des famines, des disettes. Elles revenaient avec une périodicité inquiétante dans la dernière moitié du xviiie siècle et j’aurais mauvaise grâce à contester leur gravité. Mais il faudrait savoir jusqu’à quel point elles étaient inhérentes au régime. En 1793, dans l’Ile-et-Vilaine, on se battait à la porte des boulangers « pour avoir du pain » ; en 1794, la rareté et la mauvaise qualité de la farine déterminèrent une terrible épidémie d’aspect cholériforme. « C’est alors, dit M. Haize, que le peuple pensa mourir de faim[1] ». Cependant ni les nobles ni le roi n’étaient plus là et la libre circulation des grains avait été établie sur tout le territoire de la République.

En parlant de la « grande misère » bretonne du xviiie siècle, M. Lorédan nous prévient du reste, fort honnêtement, qu’il n’a entendu parler que de la misère de « certains paysans, ceux de la classe inférieure, des journaliers, manœuvres, petits fermiers, pauvres « ménagers laboureurs de terre », lesquels étaient, d’ailleurs, la majorité ».

Ils sont encore la majorité, et ils ne sont pas beaucoup plus heureux qu’au xviiie siècle : à preuve l’abandon des campagnes, l’émigration croissante vers les villes. Cette émigration était

  1. Cf. Jules Haize : Une commune bretonne pendant la Révolution. Champion, édit.