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M. H. Sée, dans son étude sur les Classes rurales en Bretagne du xvie siècle à la Révolution, concède lui-même que, suivant les documents dont on se sert, rien n’est plus aisé que « d’embellir ou de noircir le tableau ». Et le fait est qu’il a fort bien échappé personnellement à la première tentation. S’est-il aussi bien gardé de la seconde ? Peut-on accorder ses conclusions pessimistes avec telles de ses déclarations antérieures qui les ruinent ou les ébranlent singulièrement ? S’il est vrai, comme il le dit, que « l’immense majorité des paysans bretons » jouissait de la liberté personnelle, qu’aucun d’eux n’était plus soumis au servage et à la main-morte, comme les paysans de certaines régions du Centre et de l’Est, et qu’enfin et surtout « la plupart » d’entre eux étaient propriétaires, voilà qui ne se concilie guère ou se concilie assez mal avec le régime d’oppression et de misère sous lequel il les montre ensuite se débattant. Ne nous troublons pas de certaines statistiques qui, examinées de près, apparaissent beaucoup moins lugubres qu’on ne dit. M. Sée, par exemple, s’effraye du grand nombre d’indigents portés, au xviiie siècle, sur les rôles des paroisses bretonnes. Or, sauf dans quelques-unes de ces paroisses, comme Pommerit-Jaudy, Coatreven et Camlez, la proportion des indigents est presque partout inférieure d’un tiers, quelquefois de moitié, à celle des contribuables à la capitation. Mais, après cent ans et plus, la proportion n’est pas encore très sensible-