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dans la vaisselle d’étain et se servent de papier timbré ? Est-ce qu’en l’an de grâce 1910 nos petits paysans se permettent encore plus d’une ou deux « pipées » par jour ? Et j’en connais qui ne fument que le dimanche ! Est-ce qu’ils ont de la vaisselle d’étain, tout de même plus coûteuse que la poterie commune ? Et leur nourriture ? Et leur boisson ? Marion du Faouet et ses acolytes, dans les « ménages » où ils pénètrent, commencent toujours par se faire servir du cidre, qu’on tire à la clef. On boit du cidre, dans le livre de M. Lorédan, que c’en est une bénédiction[1] : sauf dans les fermes riches, aujourd’hui, les paysans bretons boivent de l’eau ou de la piquette.

La comparaison, décidément, n’est pas à notre avantage. Et je n’en induis rien pour le moment, sinon qu’il ne faut pas trop se laisser piper aux grands mots et aux belles phrases et que, sur la prétendue misère comme sur l’état d’ignorance où l’on veut qu’aient croupi les populations de l’ancien régime, il est prudent de faire de sérieuses réserves.

  1. « Il existe au xviiie siècle, non seulement dans les bourgs et les villages, mais le long des routes, de nombreux cabarets, où l’on débite du mauvais vin et de l’eau-de-vie ; et certains cahiers des sénéchaussées de Quimperlé et de Concarneau demandent que, dans l’intérêt de la santé et de la moralité publiques, on en restreigne le nombre, qu’aux jours de foire ou de marché il soit interdit de débiter des boissons sur les grandes routes. » (H. Sée. Les classes rurales en Bretagne du xvie siècle à la Révolution). Tant d’auberges supposent pourtant une clientèle au gousset assez bien garni.