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parfois gravées des inscriptions et des dates, ouvraient sur une pièce sombre, sans air, que plafonnaient des fagots de « landes » posés sur de grandes perches transversales. Ni plancher, ni crépi ; des murs noirs de suie. Et voilà que, quand le regard s’était adapté à ce milieu crépusculaire, on voyait avec stupeur surgir de l’ombre toute une floraison de lits-clos, de huches et d’armoires dentelés et brodés comme des châsses. Où donc ces « sauvages », ces « animaux farouches », avaient-ils pris l’argent nécessaire à l’acquisition d’un pareil mobilier ? J’eus l’imprudence de publier ma découverte dans une grande revue de Paris, puis dans mon livre Sur la Côte : l’année suivante, j’appris qu’un brocanteur de la capitale avait passé à Garrec-Hir et dans les autres villages du terroir paganis et raflé toutes les merveilles qui y dormaient depuis trois siècles. Cela lui avait coûté trente mille francs !

Et j’ai été frappé encore d’autre chose : nous avons eu diverses jacqueries en Bretagne. La plus terrible fut celle de 1675, où vingt mille bonnets-rouges et bonnets-bleus, tous paysans, dénoncèrent le pacte qui les unissait à la couronne et marchèrent contre les troupes du roi. Mais quelle était la cause de cette jacquerie formidable ? L’impôt mis par Louis XIV sur le tabac, le papier timbré et la vaisselle d’étain.

Réfléchissez un peu cependant : est-ce qu’un impôt semblable eût causé la moindre émotion à des gueux ? Est-ce que les gueux fument, mangent