Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 3, 1910.djvu/90

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tion aussi à leur mobilier ? Il était en chêne massif, en châtaignier, en hêtre, et peut-être parce que le sapin n’avait pas encore poussé de racines bien vigoureuses dans le sol breton ; mais il était surtout merveilleusement fouillé et ciselé. Quel affinement du sens esthétique chez ces paysans de l’ancien régime ! Quelle entente du style décoratif et de son appropriation aux moindres objets domestiques ! Les armoires, les vaisseliers, les huches, les pétrins, les lits-clos, jusqu’aux coffres à grain, aux bancelles, aux listriers et aux rouets, étaient des miracles d’élégance au regard de l’affreuse camelote qui les a remplacés ; il y avait en eux je ne sais quoi de plantureux, de sain, d’honnête et de pimpant tout ensemble ; leurs collerettes de fuseaux, leurs ferrures luisantes endimanchaient le logis et lui donnaient un air de fête perpétuelle. Restaurés, raboutés, ces chefs-d’œuvre de l’art rustique indigène font encore vif effet dans nos salles à manger et nos salons bourgeois.

Mais un tel souci de la décoration suppose peut-être quelque aisance. Les misérables couchent sur la paille, dans des « tanières », comme disait La Bruyère ; ils n’ont cure et pour cause de « fuseaux », de « roses », d’ogives et d’entrelacs à leurs lits. Je me souviens de mon émoi le jour que je pénétrai chez les Paganis de Garrec-Hir. Derrière la dune, en rang d’oignons, une cinquantaine de petits chaumes lépreux et tristes clignaient leur œil unique vers la terre. Des portes basses, cintrées, au linteau desquelles étaient