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Je ne dis pas que La Bruyère ait inventé ces « animaux farouches ». Ils existaient de son temps, — et ils existent encore du nôtre. Le spectacle qu’il eut sous les yeux, nous pouvons nous le donner tous les jours en parcourant la campagne. Et, si le loisir nous manque pour conduire une enquête personnelle, nous n’avons qu’à ouvrir l’Officiel du 7 décembre 1909 et à lire le discours de M. Compère-Morel, qui représente à la Chambre le socialisme agraire et s’intitule lui-même le député des paysans : il y a là des chiffres et des faits d’une précision singulière, et ce tableau de la détresse paysanne au commencement du xxe siècle peut supporter la comparaison avec les pages tant de fois citées de Young et de Cambry sur la condition précaire des paysans bretons à la fin du xviiie siècle. Mais enfin de ce que les souffrances sont vives parmi nos journaliers agricoles, nos fermiers, nos métayers, voire parmi nos petits propriétaires ruraux, en allons-nous conclure que toute la classe paysanne est plongée chez nous dans la plus affreuse misère ? On protesterait contre une généralisation si excessive. Et, tout de même, je crois qu’il faut en prendre et en laisser dans le couplet de La Bruyère.

Avez-vous remarqué combien les demeures paysannes du xvie, du xviie et du xviiie siècle — la plupart sont venues jusqu’à nous : on bâtit en Bretagne pour l’éternité — sont amples, solides, confortables ? Et je ne parle pas des gentilhommières, mais des maisons du « commun » ? Et avez-vous fait atten-