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surprise douloureuse. Il connaissait assez Garmès pour ne concevoir aucun doute sur sa sincérité.

— Je te remercie de ta franchise, Pierre, dit-il… On m’avait caché la vérité autour de moi : je croyais que je pouvais « aller » encore quelque temps et même guérir, peut-être.

— Non, tu es condamné. Ce n’est plus qu’une question de jours, poursuivit impitoyablement Garmès… Eh bien, je te le demande avec toute mon âme de républicain et aussi avec toute l’affection profonde, toute l’estime que j’ai pour toi et que je voudrais conserver intactes, est-ce le moment de faiblir, d’écouter les flatteries de la réaction et d’abjurer la foi de ta vie ? Est-il possible que toi, qui as tant fait pour le triomphe des idées républicaines dans ce canton et qui as tant souffert par elles, tu veuilles donner ce démenti à ton passé ?… Je suis un des rares hommes qui, en dehors de ta commune, ne t’ont jamais abandonné, n’ont cessé de protester contre les calomnies et les injustices dont tu étais abreuvé. Ma sincérité ne t’est pas suspecte. Maintenant je n’insisterai plus : la réponse que tu me donneras sera bien la dernière.

Guyomar se troublait visiblement. Aucun des arguments dont s’était servi jusqu’alors Garmès n’avait mordu sur cette nature indomptable : pour l’attendrir il avait fallu l’évocation de sa fin prochaine. Moyen héroïque, mais si cruel !… Guyomar resta quelques instants rêveur, promenant son regard sur les tombes, comme pour leur demander conseil.