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Après le café. Garmès pria Guyomar de lui faire un pas de conduite jusqu’au bourg. Le temps était doux, un peu humide, car l’automne approchait, et les deux hommes se mirent en route. Mais Guyomar, vite essoufflé, la poitrine déchirée de grosses quintes, n’avançait que difficilement, ployé sur ses cannes, et Garmès avait peine à cacher l’émotion que lui causait la vue de ce colosse, jadis si fier de sa force et qui n’était plus qu’une ruine ambulante. Tuberculose aiguë : rien à faire, déclaraient les médecins. Il y avait de la cruauté vraiment à troubler les dernières heures du pauvre diable et à le rejeter malgré lui dans cette politique dont il mourait. Mais la passion républicaine l’emportait chez Garmès sur son amitié pour Guyomar et, à peine en route, il avait recommencé son assaut du matin.

Sans plus de succès d’ailleurs. L’ancien maire était buté et ne se rendait pas.

Les deux amis, tout en causant, étaient parvenus sur la place du bourg, devant le cimetière, qui, à la mode bretonne, fait ceinture à l’église, et Guyomar, épuisé par sa marche et l’effort de la discussion, proposa de s’y arrêter un moment. Garmès et lui franchirent l’échalier et s’assirent familièrement sur une tombe. Les cimetières bretons sont à la fois des jardins, des forums et des champs de repos : sur leurs muretins bas, à hauteur d’appui, les filles s’accoudent volontiers, le dimanche, pour deviser avec leurs galants ; l’instituteur, qui est généralement secrétaire