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conduit. Il en convient. Il est prêt à t’exprimer ses regrets. Veux-tu lui pardonner ?

— Jamais ! dit Guyomar, dont les pommettes s’enflammèrent d’un reste de sang.

Garmès n’insista pas, se réservant de reprendre l’entretien après le déjeuner auquel il s’invita bonnement. L’intimité des deux hommes autorisait ce sans-gêne. L’ancien maire, veuf, sans enfants, vivait avec une nièce infirme qui tenait sa maison et mangeait à la cuisine avec les domestiques, malgré les représentations de Guyomar. Cette apparente servilité est conforme aux habitudes bretonnes : l’effacement volontaire de la femme en Bretagne ne préjudicie aucunement à son influence réelle dans le ménage, mais il confère extérieurement à l’homme, au penn-ty, les privilèges et la majesté d’un chef de clan. Les deux amis purent donc causer tout à l’aise, dans cet idiome breton qu’ils employaient de préférence l’un avec l’autre et qui était comme la langue de leurs cœurs. Quelque plaisir qu’ils prissent à se revoir, la conversation languissait néanmoins, en raison des préoccupations de Garmès et de l’état de santé de Guyomar qui le condamnait à un régime sévère, dont le cidre était exclu.

— Ça ne t’empêchera pas de goûter ma récolte de l’année, dit Guyomar. Ma nièce Anaïs prétend que nous n’en avons pas eu de si bonne depuis longtemps…