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fils — c’eût été trop demander — mais qu’il observerait durant la campagne électorale une stricte neutralité. Le député se chargeait du reste.

Garmès regretta bien de n’être pas arrivé une heure plus tôt : la visite de M. d’Aurelles allait compliquer singulièrement sa tâche. Mais, tenace et soutenu par son zèle républicain, il n’abandonna pas la partie. Guyomar — un Guyomar cireux, exsangue, méconnaissable — était sous la tonnelle de son jardin : les jambes sur deux chaises placées bout à bout, la tête dans un oreiller, les yeux mi-clos, ce moribond savourait la tardive revanche que lui offrait la destinée. Il se leva péniblement en apercevant Garmès.

— Toi, Pierre ! Quel bon vent t’amène ?

— Je viens te voir de la part du comité républicain, dit Garmès.

— Tu tombes mal, en ce cas, dit Guyomar. M. d’Aurelles sort d’ici.

— Je sais. Je l’ai croisé sur le seuil. Mais je suis entré quand même : je ne peux pas croire que tu aies fait alliance avec l’homme qui a été ton plus mortel ennemi…

— M. d’Aurelles a trouvé l’occasion de me casser les reins : il l’a saisie. C’est tout naturel. On n’attend pas de justice d’un adversaire politique.

— Mais on devrait pouvoir en attendre de ses amis, c’est ce que tu veux dire ? Eh bien, le comité républicain m’a chargé de te présenter ses excuses. Il reconnaît qu’il n’a pas agi envers toi comme il aurait dû. Larose surtout s’est honteusement