Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 3, 1910.djvu/79

Cette page a été validée par deux contributeurs.

élite rurale qui ne plaignit ni son temps ni ses peines pour asseoir l’influence de la République dans les campagnes bretonnes ; un bon tiers de ses revenus y avait passé. Le reste eût peut-être pris le même chemin, si M. d’Aurelles, dans l’intervalle, n’avait formé un dossier, de l’examen duquel ressortait à première vue la culpabilité de Guyomar. L’affaire ne traîna pas : Guyomar, dans les vingt-quatre heures, fut révoqué.

Le coup était rude, — si rude et si inattendu qu’il terrassa le malheureux. Ce colosse, dont le rire faisait autrefois danser les vitres, fondit, blêmit, bref, en moins de six mois, ne fut plus que l’ombre de lui-même. Il tremblait la fièvre, marchait ployé sur deux cannes et ne levait pas la tête de son gilet. Toutes les consolations et les marques de sympathie que lui prodiguaient ses anciens administrés, dont la fidélité lui aurait dû être un réconfort, ne pouvait prévaloir contre ce fait qu’il avait été sacrifié sans phrase par le régime auquel il avait tout sacrifié, qu’il était déshonoré, perdu, fini politiquement et moralement. Si, à Plouriec, en effet, sa popularité n’avait subi aucune atteinte, il s’en fallait qu’elle eût aussi bien résisté dans les communes voisines : on se détournait de lui dès qu’il paraissait ; on ne voulait plus avoir l’air de connaître ce pelé, ce galeux qui jetait le discrédit sur l’honnête corporation des