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son étang léthargique, une « petite cité du moyen-âge oubliée là ». Et le revoici dans la lande, sur les grèves, martelant la « route grise ferrée de granit ». Il n’a pas, devant la misère bretonne, cet injurieux dédain d’un Hugo, oublieux de ses propres origines et incapable de résister au plaisir de faire un mot d’esprit : « En Bretagne, les cochons et les habitants vivent ensemble. Faut-il que les cochons soient sales ! » S’il constate à son tour cette promiscuité, — d’ailleurs de plus en plus rare, — il a soin d’observer que les mêmes chaumes fangeux où gîtent pêle-mêle bêtes et gens sont généralement veufs de leur population masculine : « Presque jamais on n’y trouve le père, rarement l’aîné ». Ne demandez pas où ils sont. L’aïeule chenue que vous interrogez tendrait la main vers l’horizon bondissant et soulevé « qui semble toujours prêt à se ruer sur ce pays ».

Penmarc’h, la baie des Trépassés, l’Enfer de Plogoff — « abîme effrayant dont les murs, noirs comme s’ils avaient été frottés d’encre, vous renvoient le bruit furieux du combat marin qui se livre sous vous » — le replongent dans cet « effroi mystique » où les alignements de Carnac l’avaient déjà jeté. Michelet, devant le même paysage, avait répété, en se frappant la poitrine, le Tristis usque ad mortem anima mea des livres saints. Quelle terre cependant que celle qui incline de telles âmes vers la pensée du néant des choses humaines !

Maupassant, après ce pèlerinage aux côtes du Finistère et du Morbihan, retourna-t-il sur son