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leur de Dion, les touristes d’aujourd’hui. Et il est vrai que les autos font de la vitesse et non de la psychologie.

Maupassant, tout Normand qu’il était, subit tout de suite le « grand charme » de la Bretagne. Il ne s’y sentit pas dépaysé, mais plutôt transporté hors du présent, dans une atmosphère et dans un âge qui n’étaient plus ceux des contemporains. Par cette observation préliminaire, il se mettait dans l’état d’esprit le meilleur pour comprendre le pays qu’il allait visiter. Il comparait la Bretagne à ces souterrains où les morts restent intacts, comme au jour où l’immobilité les frappa, séchés seulement, parce que la source du sang est tarie.

« Ainsi, les souvenirs, disait-il, vivent éternellement dans ce coin de France, les souvenirs et même les manières de penser des aïeux. »

Un paysan, à Locmariaker, lui parle de César comme d’un ancien qu’il aurait vu. Et il ne s’en étonne pas. Sous ce ciel bas, entre la ligne grise de l’océan, déchirée par des lueurs d’écume, et l’infini des landes morbihannaises, sa pensée prend insensiblement la couleur du paysage, la tournure d’esprit des habitants. Il n’est plus le sceptique, l’incroyant de la veille. « Ceci est une terre de religion », dit-il en frappant du pied le sol. Il est conquis, « retourné ». Il brûle les villes. Vannes, Lorient, Quimper, etc., qui sont plus ou moins pénétrées de modernisme. À peine s’il s’arrête un moment à Pont-Labbé, parce qu’elle a gardé tout son caractère, qu’elle est, avec son vieux château et