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traits d’un orgueil fou. C’est ainsi que M. de la Marche, évêque de Léon, l’étant venu voir avec six curés des environs, elle fit servir ceux-ci à l’office. M. de la Marche, témoin de cette insolence, prit son couvert et se leva.

— Où donc allez-vous ? lui dit-elle.

— Dîner avec mon clergé, répondit l’évêque.

Une autre fois, un huissier apporte des papiers à la marquise ; elle les lit lentement et laisse l’homme de loi debout. Celui-ci s’impatiente et s’assied.

— Que faites-vous ? Sachez que jamais huissier ne s’est assis ni couvert en ma présence.

— C’est, réplique l’autre sans se lever, que ces huissiers-là n’avaient ni c… ni tête !

À la bonne heure ! Et cet huissier parlait déjà comme les « patriotes » qui s’apprêtaient à envahir Kerjean. Un tel orgueil se pouvait-il concilier avec la pratique des plus hautes vertus et nommément de la charité chrétienne ? Kerdanet l’affirme et nous voulons l’en croire. Peut-être cependant pousse-t-il la complaisance ou la simplicité un peu loin en assurant que nul obstacle n’arrêtait Madame de Coatanscour pour faire le bien, qu’elle ne s’occupait que de bonnes œuvres et à visiter les pauvres et les malheureux, qu’on racontait partout des prodiges de sa bienfaisance et qu’elle était enfin à ce point adorée de ses domestiques que quelques-uns ne purent lui survivre. Ce qui est vrai et hors de conteste, c’est que la marquise de Coatanscour, bien qu’elle eût