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bataille », prit trois de leurs navires, en coula trois autres et dispersa le reste.

Missirien, qui plaisante de la prouesse[1], met cette humeur guerrière du marquis sur le compte de la « mélancolie » et des ennuis que lui causait sa séparation de biens et de corps d’avec la dame de Mézarnou. N’y pourrait-on voir plutôt un effet de cette passion du lucre qui se révèle dans ses louches tractations avec Hamon Le Dall ? Et le goût de l’aventure, la fougue d’un sang trop riche et qui avait besoin de se dépenser en démarches violentes, enfin un vieux ferment de haine contre l’ennemi héréditaire des Bretons, ar Saozon miliguet[2], n’y furent-ils pas aussi pour quelque chose ? Le peu que nous savons de ce second René nous le fait voir comme une manière de barbare à peine dégrossi, livré à ses impulsions, capable des pires traits comme des plus héroïques, fonçant en aveugle sur l’obstacle et distribuant à tort et à travers ses coups de boutoir. Je veux bien qu’avec ce caractère il n’ait pu supporter sans impatience les méchants procédés de sa femme qui, en 1650, obtenait contre lui un arrêt d’interdiction, dont elle ne fut pas longue à tirer « occasion pour piller les revenus de Kerjean, tantôt en son nom, tantôt sous des noms empruntés et toujours de concert

  1. Était-elle de si petite conséquence ? Ce ne fut point, en tout cas, l’avis des marchands qui, « de tous nos havres, convient Missirien, ont député vers [le marquis], l’ont envoié remercier et lui ont fait rendre des vivres et des vins en abondance. »
  2. « Le Saxon (l’Anglais) maudit ».