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V

Ce disant, Françoise prit un flambeau et, précédant son mari qui ne savait plus que penser, elle le mena, par de longs corridors et un étroit escalier à vis, jusqu’à l’entrée de l’ancien corps de garde, dans le refend duquel étaient percés les retraits dont elle lui avait parlé. On entendait, derrière la porte, haute et bardée de fer, des caquets, des rires et des chants, mêlés au ronflement des rouets et au tic-tac des navettes dans les métiers.

— Ce sont eux, dit Françoise. Ils ont si bien pris goût à l’ouvrage qu’ils travaillent même aux chandelles. Maintenant, cher seigneur, il vous appartient de décider si l’épreuve fut suffisante et s’il n’est pas temps de leur rendre la liberté : nos pauvres sont assurés de plus de balin qu’il n’en faut pour passer l’hiver.

Le tapage des muguets couvrait la voix de Françoise, si bien que, la porte s’étant ouverte presque aussitôt, ils furent surpris par René dans la plus étrange occupation où se fussent encore vus quatre gentilshommes : l’épée au côté et le feutre à plumes sur la tête, le vidame de Bombelles filait la quenouille, le chevalier de Saint-Phar tournait le rouet, le comte de Bruc poussait la navette et le marquis de Belz enroulait le balin. Tous quatre se levèrent en apercevant René et, comme ils étaient hommes d’honneur dans le