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du moins mon sentiment. Et c’est pourquoi je m’avisai que les petites chambres de la tisserie, qui sont munies de solides verrous extérieurs, étaient les lieux du monde les plus propres à recevoir nos galants. Je leur avais promis de les y rejoindre à la brune. Je n’y manquai point. À l’heure convenue j’étais dans la cour, devant le guichet ; je l’ouvris…

— Et vous entrâtes ?

— Le guichet n’est pas assez large, seigneur. Je me contentai d’y passer la tête et d’annoncer à chacun de ces jolis cœurs que les verrous ne jouaient plus et qu’il faudrait donc, à mon vif regret, qu’ils restassent léans jusqu’à votre retour, mais que, par bonne fortune, ils auraient chacun de quoi s’occuper, vu qu’en poussant la porte du refend ils trouveraient une grande salle où il y avait de la compagnie et autant d’étoupe qu’on en pouvait filer et tisser en un mois.

— Vous ne me ferez jamais croire qu’ils ont accepté une semblable proposition !

— Il l’a bien fallu pourtant. Tout le monde ici travaille et, qui ne travaille pas, c’est qu’il n’a ni faim ni soif. Quand, après avoir bien tempêté, sacré, juré, vos amis ont vu qu’ils n’y gagnaient pas d’avoir leur dîner et leur souper plus vite, ils ont fait contre fortune bon cœur et, l’un aidant l’autre, ils sont devenus en peu de temps de parfaits baliniers. Vous allez, du reste, pouvoir en juger par vos yeux.