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blancs et son nœud satiné de même couleur, il faisait, sur la cheminée, comme un petit massif virginal. Deux assiettes de friandises et un saladier de caillibotes l’encadraient, qui n’avaient pu trouver place sur la table. Celle-ci était tendue d’une nappe usagée, reprisée çà et là, mais qui n’avait point de tache et qui sentait la lavande. À la dernière heure seulement, crainte d’éveiller chez son mari de dangereuses tentations, Madame Prosper avait ajouté au couvert deux flacons de vin vieux et une fiole de tafia qu’elle célait depuis la Saint-Michel dans un placard.

Les noirs soucis qui rongeaient Madame Lefur ne purent résister à la vue de ces apprêts. Son odorat, dès l’entrée, avait été délicatement flatté par les émanations de la cuisine. Hortense, au premier coup de sonnette, s’était hâtée de quitter le tablier noué autour de ses hanches et avait couru recevoir ses hôtes.

— C’est sans façon, vous savez ! dit-elle à Madame Lefur.

Et Prosper cita du latin au principal. Madame Lefur était assise à la droite du professeur. Elle avait déclaré en entrant qu’elle n’avait pas faim. Mais le potage commença de la mieux disposer, les hors-d’œuvre ne la trouvèrent point indifférente et, quand parut sur la table certaine truite saumonée au vin blanc, — don de Bobinet, décidément en veine de générosité ; le chenapan l’avait cueillie le matin même dans le Guer, sous un têtard où l’imprudente faisait la sieste, — Madame