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La disparition de l’oie noëlesque — nous le sûmes par la suite — ne fut connue que dans la soirée, un peu après la visite de Prosper aux Lefur. Rosalie, en pénétrant dans la basse-cour pour donner leur provende à ses pensionnaires, fut tout étonnée de ne pas voir accourir le jars qui n’était jamais le dernier à répondre aux « Petit ! petit ! petit ! » de son excellente nourricière. Elle regarda de tous les côtés, perquisitionna en haut et en bas dans les logettes réservées à la volaille et dut se convaincre enfin de l’affreuse réalité. Une brèche dans le treillage du poulailler expliquait peut-être le mystère. Rosalie ne remarqua pas la brèche. Plantant là son baquet, elle s’encourut comme une folle aux appartements de Madame Lefur et, sans frapper, la figure défaite, les yeux exorbités, elle jeta dans un râle d’agonie :

— Madame ! Madame ! Le jars qu’a fichu le camp !

Jamais coup de tonnerre éclatant dans un ciel serein ne produisit pareil saisissement : le jars parti, le jars en fuite, le jars volé peut-être, le jars noëlesque ! Madame Lefur en faillit avoir une syncope. Dès qu’elle le put, elle descendit avec sa bonne au poulailler. M. Lefur, attiré par les cris stridents de Rosalie, s’était joint aux deux femmes. On mit tout le personnel en campagne : les cours, les communs, les réserves, les caves, les greniers et les cabinets eux-mêmes furent scrutés ; on poussa les investigations jusque dans les deux corps de