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levée à cinq heures et couchée à onze, cuisinière, sommelière, couturière, laveuse, repasseuse, etc., aux mains attentives de qui sa maîtresse avait remis le précieux jars.

Rosalie avait l’œil à tout, au réfectoire et à la basse-cour, à la cave et au grenier. Matin et soir elle servait aux volailles leur provende de son et de pommes de terre, pétrie de ses robustes mains couleur de brique dans ces eaux grasses de vaisselle qu’on appelle goayen en Bretagne. Avait-elle par mégarde laissé la porte du poulailler entr’ouverte ou si le prisonnier, pris d’une fringale de liberté, avait de lui-même rompu sa clôture, ou si encore Bobinet avait favorisé son évasion ? Le chenapan, enfin rendu à sa loquacité naturelle, nous assura qu’il avait trouvé l’oie dans la cour et qu’il n’avait pu résister à la tentation d’essayer son adresse sur ce gibier royal : atteinte à la tête et à l’aile, la bête s’était défendue avec une énergie digne d’un meilleur sort. Un moment même Bobinet avait pu craindre que le bruit de la lutte, les appels désespérés du jars n’attirassent l’attention de Rosalie. La cuisine occupait un bâtiment voisin. Mais un Dieu propice veillait sur Bobinet : de l’assassinat qui se perpétrait à quelques pas d’elle, Rosalie n’avait rien perçu ; aucun secret pressentiment ne l’en avait avertie. Et Madame Lefur, de son côté, prise par ses réceptions et pleinement confiante, d’ailleurs, dans la vigilance de Rosalie, était à cent lieues de penser qu’on pût attenter à son bien.