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plat fonable, vu qu’on lui a pratiqué de bonne heure la petite opération et que les mâles deviennent alors plus tendres que les femelles.

— Vous êtes bien aimable, Madame Manégol, répondait gracieusement la principale. Je suis de votre avis : les jars hongres, ça vous a une chair qui fond dans la bouche.

— J’aime à vous l’entendre dire. Madame Lefur… Vous me donnerez des nouvelles de celui-ci que j’ai élevé à votre intention… Aucun pâturage n’était assez bon pour lui. C’est moi-même qui préparais sa bouillie. Quand il était en nourrice, je lui avais fait une marque sur le croupion, une petite croix pour le reconnaître des autres mâles de la couvée. Elle y est encore sous les plumes, là, tenez !…

— Madame Manégol, je n’aurai pas besoin, Dieu merci, d’employer un moyen semblable pour distinguer votre petit Déodat de ses camarades : j’ai toujours chéri cet enfant d’une affection singulière et, cependant, je sens qu’il va me devenir encore plus cher. Vous permettez que je l’embrasse, Madame Manégol ?

— Déodat, mon boudet, dit la bonne femme Manégol, tire tes doigts de ton nez et va donner un poc à Madame la Principale…

Un poc, c’est là-bas une accolade… Touchantes effusions ! Elles nous remontaient à la mémoire en ce moment, avec le souvenir de Rosalie, la bonne à tout faire de Madame Lefur, une grosse fille de Moncontour, vraie bourrelle de travail,