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— Madame, dit René, et qui vous dit que Françoise n’est pas morte ?


IV

Quand, au soir tombant, du haut de la montée de Saint-Vougay René, qui chevauchait sans rompre selle depuis cinq jours, distingua sur l’horizon la ligne sombre de ses futaies, son cœur, déjà serré par l’angoisse, se contracta terriblement et les rênes lui échappèrent des mains. Il lui fallut faire effort pour se remettre d’aplomb et franchir au galop la petite traite qui le séparait encore du domaine.

Enfin, au bout de l’avenue, derrière son grand rempart crénelé de quinze pas de large, gardé par des coulevrines et des bombardes, il aperçut Kerjean, la « merveille » du Léon et de toute la province, à la fois château et forteresse et dont les bâtiments, plus beaux et plus vastes que ceux d’Anet, couvraient trois journaux et treize cordes de terre. Ce n’avait pas été trop, pour subvenir aux frais d’une si gigantesque entreprise, de l’énorme fortune du chanoine Hamon Barbier et du revenu accumulé de ses quarante bénéfices : intérêts et capital y passèrent, dit-on, sans que le chanoine en marquât d’autre regret que de ne pouvoir se ruiner un peu plus, tant il avait souci du renom d’un sien neveu et pupille à qui le château était destiné.