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Prosper, ce disant, épongeait de son énorme mouchoir rouge la sueur que l’effort de sa dispute avec Bobinet avait fait perler à ses tempes. Il était rare, en effet, qu’il n’eût pas le dessous dans ces corps à corps scolastiques et peut-être aussi qu’in petto l’assurance de Bobinet, son esprit de répartie, ses ruses toujours nouvelles et imprévues lui inspiraient comme à nous une secrète admiration. Il n’en laissait rien paraître au dehors et il échéait même que les bouillons de sa colère n’étaient point encore apaisés quand le portier Kermaho entrait avec le « Cahier de présence » qu’il lui donnait à signer.

Cette formalité, qui interrompait Prosper au milieu de ses développements, avait le don de l’agacer entre toutes. Kermaho glissait plus qu’il ne marchait ; son pas feutré ne s’entendait point dans les corridors et Prosper le soupçonnait de s’employer comme espion pour le compte du principal. C’est ainsi qu’il mettait en doute la très réelle surdité du brave homme, lequel eût été bien en peine de rapporter à M. Lefur ce qu’il avait entendu, puisqu’il n’entendait que ce qu’on lui criait dans l’oreille et que M. Calvé en personne, près de lui, faisait l’effet d’un clairvoyant.

Au vrai, Kermaho n’avait qu’un défaut, mais singulièrement grave pour un portier : il ne fermait jamais les portes convenablement et, ou bien il les tirait trop rudement après lui, ou bien il ne les tirait point assez. Bref, elles restaient entrebâillées. Dont Prosper enrageait.