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syllabes de sa voix de fausset exalté, tantôt il plongeait au fond de son registre pour en tirer des notes sépulcrales.

— Bobinet, disait Prosper, si tu ne prends pas un ton plus haut — ou plus bas, — je te flanque dans le « rond ! »

Vaine menace ! Bobinet n’était pas fait pour le « rond » ou le « rond » n’était pas fait pour Bobinet. C’était pourtant une chose terrible que ce « rond ». Pompilius y avait collaboré avec Platon et saint Patrice : entre la chaire et le premier banc, sur le parquet, était tracé à la craie un cercle juste assez grand pour qu’on y pût loger un pied, mais non deux. C’est là que Prosper enfermait « moralement » les ânes et les mauvaises têtes. Il fallait s’y tenir debout sur une jambe, comme un échassier. Et l’on n’en sortait qu’au bout d’une demi-heure. Le supplice était effroyable. Bobinet lui-même en concevait une sainte terreur. Mais le coquin, pour éviter d’être enfermé dans le « rond », avait plus d’un tour dans son sac et nous admirions toujours comme il savait se tirer des plus mauvais pas. Car il n’eût pas été possible, fût-ce au prix des pires châtiments, d’amender le déplorable gamin. La moitié de sa vie se passait aux champs et il n’y avait pas de braconnier plus adroit : lièvres et lapins ne faisaient qu’un saut de la garenne dans sa gibecière ; il excellait pareillement à surprendre les perdrix à la poudrée et les truites sous les souches. Il trouvait même le temps d’assister à la classe ; mais apprendre ses