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leurs futures luttes intestines. Des batailles rangées mettaient fréquemment aux prises, sur la voie commune qu’ils devaient suivre pour se rendre en classe, les élèves des Frères et ceux du collège. Au premier son de cloche, il est vrai, tout rentrait dans l’ordre : les combattants se séparaient, rajustaient leurs frusques vaille que vaille et, tel un volier de moineaux, se précipitaient vers les portes de leurs geôles respectives.

Geôles était le mot, au moins pour le collège, bloqué entre la prison et la gendarmerie, avec lesquelles il partageait les anciens locaux d’une communauté d’Ursulines. Ce double voisinage ne laissait pas de lui nuire dans nos esprits et j’éprouvais toujours, pour ma part, comme un sentiment d’oppression quand je franchissais le portail de la grille.

Pourtant la façade de l’établissement, de ce style du xviiie siècle, dont les lignes avaient encore quelque beauté, n’était pas d’un aspect bien effrayant. On y accédait par deux étages de terrasses, dont la première servait de cour de récréation aux élèves et la seconde, plus étroite, plantée de fusains et d’arbustes, servait de promenoir aux professeurs. Jusqu’à l’heure de la classe, ces Messieurs y faisaient les cent pas dans la claudicante compagnie de M. Lefur qui descendait les rejoindre en chaussons de lisière, son éternelle petite calotte de velours noir penchée sur l’oreille. Prosper seul, depuis quelque temps, manquait à l’appel et s’arrangeait pour n’arriver au collège