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liation, devait se résigner à décrocher son chapeau, son carrick, ses béquilles, et à descendre, vaille que vaille, les trois marches du perron de l’hôtellerie. Du moins ne s’en allait-il que le dernier et poussé dehors par les épaules. Encore demeurait-il un bon quart d’heure sur la troisième marche et jamais les madrigaux, les citations latines et les comparaisons mythologiques ne s’étaient pressés plus abondants sur ses lèvres. On entendait Marie-Charlotte qui, derrière la porte, d’une voix colère, lui criait de s’aller coucher :

— Vieux biteller, vous n’avez pas honte !

Biteller ! Biteller ! répétait Prosper en faisant sonner ses béquilles sur les pavés de la place du Centre, habituellement veuve d’éclairage après le couvre-feu. Cette nymphe est adorable ; mais elle parle un langage indigne des Muses. Biteller est un de ces mots bretons comme il s’en est tant glissé dans le parler de mes compatriotes et qui, si l’on n’y mettait bon ordre, auraient vite fait de corrompre et de réduire en un informe patois la langue de Voltaire et de M. Royer-Collard. Je donne impitoyablement la chasse à ces intrus dans les devoirs de mes élèves. Biteller équivaut, je pense, à musard ; il veut dire un homme qui lantiponne, qui tourne autour du pot. Je me méfie de biteller comme de sklahé. C’est pour avoir hospitalisé dans sa langue des provincialismes de cette sorte que Tite-Live fut accusé par ses contemporains de pativinité. Mais est-il vrai que je sois un biteller ?…