Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 3, 1910.djvu/351

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nistration du collège se contentait de les héberger et de tremper leur soupe. Ils étaient de beaucoup les plus nombreux et appartenaient presque tous aux campagnes voisines — d’où le sobriquet de pétras : leurs parents, se rendant en ville le jeudi, jour de marché, profitaient de l’occasion pour les ravitailler en pain frais, beurre, lard, andouilles, etc., et Madame Lefur, qui recevait en dépôt toute cette mangeaille, s’acquittait avec assez d’adresse de la répartition pour qu’il en restât quelque chose dans son garde-manger personnel.

Wouvermann, de retour chez lui, fournit sur ce point à Madame Wouvermann tous les éclaircissements désirables ; mais l’explication fut accompagnée d’un tel roulement de Tarteifle ! et de Mein Gott ! qu’ « Uchénie » jugea prudent de s’aliter aux approches des Noëls suivantes pour éviter de nouveaux pataquès.

— Singulière coïncidence ! disait Madame Lefur. Voilà deux années de suite que Madame Wouvermann tombe malade la veille de mon dîner !

— Elle est si déligate ! s’empressait de répondre son mari. Fus né bouvez bas fus imachiner à guel boint Uchénie est déligate ! Ché suis aux bédits soins bour elle et, malcré tout ce que je fais…

Madame Prosper enviait cette délicatesse, sincère ou affectée, et volontiers eût imité la femme du terrible Alsacien. Moins sotte ou plus réservée, elle n’était jamais à son aise dans le monde. Madame Lefur surtout, par sa solennité, son