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de sa poche, fut foudroyé par une apostrophe de M. Lefur qui lui reprocha vivement son goût immodéré pour un genre de distraction inconnu de Cicéron et de Quintilien. Vainement rétorqua-t-il que les anciens ne connaissaient pas non plus les cigares. Madame Prosper, au cours de la discussion, se faisait toute petite ; elle eût voulu disparaître sous la table et sa timidité d’ancienne domestique contrastait avec le souverain détachement de la blanche Madame Roisnel, visiblement absente de la conversation, et la désinvolture émoustillée de Madame Calvé à qui le Champagne donnait toujours des picotements dans les orteils, une envie folle de secouer ses jupes et d’envoyer la jambe sur les genoux de son voisin…

Il ne fallait pas moins que la présence de Madame Lefur, sa gravité, ses moustaches et le regard junonien qu’elle promenait sur l’assistance, pour contenir l’évaporée dans le sentiment de ses devoirs. Trois siècles de forte et sévère bourgeoisie s’épanouissaient dans la copieuse moitié de M. le Principal du collège qui, du haut de son arbre généalogique, avait bien quelque droit de considérer avec une certaine supériorité les épouses des subordonnés de son mari. Au reste, plusieurs des régents étaient garçons. On apprit dans la suite que, pour rétablir l’équilibre, le père Wouvermann était bigame, ayant épousé avant la guerre une Poméranienne et, après la guerre, une Flamande, qui s’ignoraient mutuellement. On ne lui connaissait pour le moment que la Fla-