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beauté de sphinx blanc dégageait je ne sais quelle séduction polaire… Si présents qu’ils me furent autrefois, les uns et les autres vont s’effaçant de ma mémoire et il me faut faire effort pour les retrouver. Mais j’ai gardé, nette et précise, l’image de Casimir-Mamertin-Prosper Lespérut, professeur de 4e et de 3e géminées, de qui le souvenir est resté intimement lié dans mon esprit à celui d’Yves-Marie Bobinet. Lespérut rassemblait en sa personne toutes les qualités et les tares dont ses autres collègues n’offraient que des exemplaires dépareillés. Par là il s’élevait jusqu’au type et mérite peut-être que nous le considérions.

Représentez-vous, sous un feutre plus bosselé qu’un vieux chaudron, dans un ignoble carrick lie de vin, gonflé de livres et de copies, qui faisait sa vêture d’hiver et d’été, un gros homme dépenaillé de cinquante à cinquante-cinq ans, hissé sur deux grandes diablesses de béquilles dont les coussins lui relevaient les bras en forme d’anses, large de visage, haut en couleur, la lèvre grasse et sensuelle, ruisselante à toute heure de citations latines, les yeux petits, mais vifs, le front vaste, le poil gris, le cou sous le menton et le nez sur l’oreille, comme s’il humait toujours le vent d’une cuisine prochaine, le buste trop fort pour les jambes trop courtes, et dont l’une surtout, atrophiée, qui pendait dans le vide, avait l’air d’un battant de cloche en branle perpétuel.

Tel était Prosper Lespérut, — le père Prosper, comme on l’appelait, car son prénom avait fini par