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ailleurs le placement de ses charmes. Avec l’âge, la timidité et la surdité du père Calvé n’avaient fait qu’embellir. Il était le pâtira, la cible, la tête de turc des collégiens. La plaisanterie la plus habituelle et qui se transmettait de génération en génération consistait à prendre le temps qu’un élève était absent de la classe pour lever la main et claquer des doigts de la façon que l’on sait en feignant un impérieux besoin de sortir :

— M’sieur ! M’sieur ! Permission d’aller embrasser votre femme, s’il vous plaît !…

— Mais puisque je vous dis qu’il y a déjà quelqu’un ! gémissait le malheureux sourd en secouant la tête. Attendez votre tour !…

Et le père Calvé, le père Poupart (nous leur donnions du « père » à tous) n’étaient peut-être pas les plus originaux de la bande. Comme, après la grande insurrection de 1830, tous les collèges de France avaient eu leur Polonais, ils eurent leur Alsacien en 1871, après l’annexion de Strasbourg et de Metz.

Notre Alsacien à nous s’appelait Wouvermann. Il mesurait cinq pieds six pouces et il jouait de la clarinette : on le bombarda professeur de solfège. Je doute si lui-même savait ses notes. Mais qu’était-il besoin d’un Marmontel ou d’un Savart pour nous enseigner le Petit Badinguet ? Wouvermann était patriote et républicain : cela suppléait à tout. Chaque soir, à quatre heures, il nous rassemblait dans une grande pièce du collège attenante à la gendarmerie. Et nous étions là