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fin de l’Empire et dans les premières années de la troisième République, du personnel enseignant des collèges communaux. Lesdits collèges, jusqu’à l’institution des bourses de licence, méritèrent leur surnom de refugium peccatorum ; c’étaient comme une sorte de Légion étrangère de l’Université, où l’on incorporait bénévolement, pour peu qu’ils eussent un diplôme de bachelier, tous les ratés des autres carrières libérales.

Le collège de Lannion — qui comptait parmi les plus modestes de l’Académie — ne faisait point exception à la règle. Il s’y voyait les plus hétéroclites personnages du monde, tels que ce père Poupart, régent de huitième et l’un des gardes-nationaux que la province détacha au secours de Paris, lors des journées de Juin. Toute la vie de Poupart était restée suspendue à cette expédition ainsi qu’à un clou d’or. Il en parlait avec une complaisance intarissable ; le récit, dans sa bouche, s’en étendait d’année en année : à l’anecdote primitive s’ajoutait chaque fois quelque détail inédit et, sous ces alluvions continuelles, la promenade des gardes-nationaux avait fini par devenir l’un des grands événements de l’histoire de France. Ah ! si Louis-Philippe avait écouté Poupart ou plutôt si Poupart n’avait pas été rappelé dans ses foyers par les devoirs de sa profession ! Quand Poupart entrait aux Tuileries, le front de Louis-Philippe se déridait subitement.

— Amélie, disait le monarque à la reine, apporte trois verres : voilà Poupart !