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chaque année, à Trégastel, du seuil de sa métairie, me souhaitait la bienvenue en grec, en latin et en bas-breton :

Χαἴρε ! Ave ! Dematid, Jarlez !…

Guil était un simple maître de labour. Il représentait la tradition expirante. Ô temps où ses pareils, dans l’aube perlée de l’avril naissant, déclamaient les Géorgiques en gouvernant leur araire, — l’antique araire féodal au soc en forme de cône ! Leurs fils, par les glèbes, conduisent des brabant-double et des tilburys automobiles ; le Mérite agricole s’épanouit à leurs boutonnières ; ils sont radicaux et libre-penseurs. Mais, avec le grincement du vieil araire paternel, s’est tue dans nos campagnes la douce voix virgilienne ; l’ajonc national ne pousse plus de fleurs latines.

Vous-mêmes, Jean Briz, Petit-Fitel, derniers survivants de ces âges fabuleux, peu s’en faut que vous ne rougissiez de vos hoquets d’humanisme comme d’une incivilité. Et je sais bien que cet humanisme n’était point celui d’un Ficin ou d’un Chrysoloras ; les professeurs du collège, qui distribuaient l’instruction aux enfants de la bourgeoisie lannionnaise, ne sortaient point du grand séminaire laïque de la rue d’Ulm. Mal payés, médiocrement considérés pour la plupart, si l’on en excepte deux ou trois comme M. Limon et M. Boullaouëc, qui avaient fini par s’imposer au respect des familles, on sentait qu’ils n’avaient pris ce métier de professeur que comme un pis-aller. Mais il en était ainsi presque partout, à la