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la seconde, car le collège n’était pas de plein exercice et les parents d’Yves-Marie caressaient toujours l’ambition de le donner pour successeur à son père dans la charge de sacristain ; mais le préjugé de l’éducation classique était fort répandu à cette époque dans la petite et moyenne bourgeoisie lannionaise, voire chez les cultivateurs aisés de la région. Aux yeux même des familles qui n’appétaient point pour leur progéniture l’hermine du magistrat ou le plumet du saint-cyrien et qui la destinaient tout bonnement au commerce de l’épicerie ou à la confection des gilets de flanelle, Lhomond et Burnouf gardaient un mystérieux prestige : barbares semblaient les lèvres qui n’avaient point été frottées de leur miel.

Il arrivait ainsi qu’au Café du Paon couronné, quand ils faisaient leur partie, le maître-zingueur Petit-Fitel et le corroyeur Jean Briz citaient Virgile, Horace et quelquefois Homère ; des plaisanteries, que n’entendraient plus les générations nouvelles, saluaient la chute du manillon et, si la frétillante Madame Calvé, de son nom de jeune fille Irma Cadras, passait à ce moment sur le trottoir, on était sûr qu’il se trouverait quelque humaniste pour régaler l’assistance du féroce à peu près : « Calvé, née Cadras » (cave ne cadas), qui avait couru tout l’arrondissement à l’époque du mariage de cette jeune beauté avec son barbon. Les champs luttaient d’émulation avec la ville. Témoin ce bon pied-bot de Guil-ar-Bivic qui,