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vous ! nous dit-il encore avec un petit geste de menace…

Je pris l’argent, pour ma part, sans trop savoir ce que je faisais ; mais, à la grimace de Bobinet, il me parut qu’il était bien capable de trouver dans les recommandations suprêmes de notre victime matière à quelque farce posthume de son invention.

La voiture — un antique berlingot à soufflet — s’était rangée près du trottoir et l’on s’occupait d’y hisser Piphanic. L’avocat Rivoalan voulait y convoyer le bonhomme. Celui-ci remercia de la main, et le cocher toucha légèrement ses bêtes qui prirent le petit pas… La foule gardait un silence respectueux. Beaucoup pleuraient. Soudain des rires étouffés coururent de rang en rang et je fus gagné moi-même d’une involontaire hilarité : tandis qu’on hissait le bonhomme dans sa voiture, la main sacrilège d’un loustic — hélas ! est-il besoin de le désigner plus expressément ? — avait planté sur la capote du berlingot le balai des contre-manifestants, le balai d’égoutier portant à sa hampe le drapeau blanc maculé d’ordures, et c’était sous ce pavillon dérisoire que le pauvre Piphanic, ruiné de corps et d’esprit, rentrait dans sa thébaïde de Kerampont…

Un mois après, il en sortait, comme il avait dit, pour rejoindre sa mère Fanchon au cimetière Saint-Nicolas. Henri V ne « revint » jamais et je n’eus pas à rendre visite au pauvre Piphanic ; mais je ne jurerais point que ce diable de Bobinet